2012-16
Comparative reading of the first (1950) and sixteenth (2012) edition of “The Story of Art” by E. H. Gombrich
Book, digital prints, handcrafted binding, 25 x 18.5 x 7.5 cm
Edition of 7 + 2 EA
Lecture comparée de la première (1950) et seizième (2012) édition de „L‘Histoire de l‘art“ de E. H. Gombrich
Livre, impressions numériques, reliure artisanale, 25 x 18,5 x 7,5 cm
Edition de 7 + 2 EA
Habituée des interventions discrètes, où elle rehausse en quelque sorte un aspect de ce qui est déjà là, Charlotte Seidel présente un projet en cours autour de l’‘Histoire de l’art’ de E.H. Gombrich, ouvrage de référence pour tout étudiant en art. La pièce s’attache à rendre compte des différences et des modifications entre la première édition de 1950, et la plus récente de 2012. Textes et images ont en effet subi certains changements, principalement effectués par Gombrich lui-même, qui a retravaillé le livre à plusieurs reprises. Interrogeant notre lecture de l’art et de l’histoire, les désignant comme constructions culturelles sujettes à évolution, l’œuvre est aussi une manière d’extraire les points mouvants de cette histoire de l’art, et, en gardant la structure des pages originales, de recomposer grâce au blanc environnant une histoire alternative et imaginaire.
[extrait de l‘aide à la visite, exposition ‚Balises‘, Piano Nobile, Genève, 2012]



[…]
Alors, Le temps des pommes recueille les chansons intimes, les ritournelles qui sont le ressort de démarches artistiques soucieuses de révolution, pas les grands soirs, mais les bouleversements ou bifurcations ténues, camouflées, réticulaires, dans les marges et qui, d’une manière ou d’une autre, entretiennent la possibilité d’une reconfiguration plus large, plus profonde de la société actuelle, en tout veillent à la plasticité sensible du monde. Toutes ces fabrications artistiques singulières recèlent leur temps des cerises, capté à même l’instabilité du vivant.
Peut-être que le grimoire ouvert sur une tablette, à gauche en entrant, donne les clés et la partition de cet assemblage d’oeuvres ? Oui et non. C’est une oeuvre intégrée à l’ensemble. Un travail de bénédictin(e) contemporain(e) que l’on manie d’instinct avec précaution. Charlotte Seidel (http://www.charlotteseidel.de/) s’est livrée à une performance sur L’Histoire de l’art de Gombrich, une brique, une bible qui a fait l’objet de rééditions régulières dont certaines, jusqu’à l’année de sa mort (2001), étaient revues, modifiées par son auteur. Elle rassemble en un seul volume l’édition originale de 1950 et celle de 2012 et, dans le corps même du texte, elle inscrit leur fusion : tout ce qui est semblable est effacé, ne subsiste que ce qui diffère, ce qui a été modifié ou ajouté. Graphiquement – avec ses blancs énormes, silences sensuels du
texte, ses typographies parcimonieuses à la Mallarmé, les indexes raturés ou supplémentaires, les juxtapositions d’illustrations qui révèlent le changement de regard au fil des ans -, l’objet est magnifique. Entre les lignes, à l’intérieur d’une même référence scientifique, il chante l’instabilité des connaissances sur l’art, leur malléabilité, leur hésitation, leur perméabilité à l’environnement quand il s’agit de cadrer une photo, de choisir un détail de peinture ou sculpture, il chante l’importance fragile, aussi, de ce qui persiste. Surtout, il célèbre la patience, l’attention démesurée, l’investissement totale que requiert un tel exercice de comparaison textuel, et qui symbolise l’incommensurable de l’oeil artiste qui travaille en scrutant le monde, l’humain, le vivant. De ces pages que l’on tourne délicatement – il existe sept exemplaires de cet objet hors normes – et qui aère notre approche de l’écrit et nous libère de toute fixité historique, rend poreuse la délimitation entre savoir et mise en forme, on est happé, au bout, près de la fenêtre, par quelque chose qui flotte et fait entrer l’image du vent.
[…]
Pierre Hemptinne sur l’exposition „Le temps des pommes“, septembre/octobre 2018, Été 78, Bruxelles
http://www.pointculture.be